Je profite du supplément de temps dont je dispose en cette période de confinement national pour reprendre l’écriture. Cet article est tristement d’actualité, car il parle des épreuves, ces moments douloureux que nous rencontrons tous, plus ou moins régulièrement, tout au long de notre vie.
A mes yeux, les histoires ont ce pouvoir presque magique de saisir et d’exalter l’essence des événements. Les particularités, posées par l’auteur ou le réalisateur, ne sont là que pour valoriser l’essence des situations. Ainsi, le spectateur extérieur est-il plus apte à saisir l’universel derrière le particulier (dans lequel il se reconnait, bien sûr, grâce au processus d’identification). C’est pour cette raison que j’écris des analyses de films et de livres. Et c’est pour cela que j’ai choisi de reprendre mon activité avec un troisième article sur les épreuves (et l’amour !), comme facteurs d’évolution de conscience dans le film Cloud Atlas.
Si les exemples cités plus bas sont essentiellement individuels, je ne doute pas que ce même mécanisme opère au niveau collectif. L’épidémie de Covid-19 frappe l’humanité toute entière. 500 000 personnes touchées dans le monde, dont plus de 24 000 morts au 27 mars 2019, des nations entières confinées… Et pourtant, comment aurions-nous pu apercevoir une issue à la crise écologique si l’humanité n’avait pas été obligée de ralentir à cause de ce désastre ? J’espère donc de tout coeur que nous saurons tirer les leçons de cette épreuve pour évoluer vers plus de conscience, de respect pour notre planète et de lucidité concernant les choses essentielles : notre santé, nos proches et la solidarité.
Dans Cloud Atlas, les épreuves permettent aux personnages de libérer et purifier leur karma d’une part, et d’ouvrir la voie de leur mission de vie d’autre part.
Retrouver son humanité par les épreuves et l’amour
Commençons par la purification du karma avec le personnage interprété par Tom Hanks, qui apparaît dans les six histoires : le Dr. Henry Goose (1849), le tenancier de l’hôtel (1936), Isaac Sachs (1973), Dermot Hoggins (2012), l’acteur qui interprète le rôle de Timothy Cavendish (2144) et enfin Zachry (2321).
Rappel des histoires :

Dans sa première vie, le Dr. Henry Goose est cupide, malhonnête et méchant. Il empoisonne Adam Ewing dans le but de le voler. Il finira tué par Autua, le corps gisant ironiquement près de la malle qui contenait l’or qu’il souhaitait dérober. Sa cupidité ne l’a pas abandonné dans sa vie suivante (1936), puisque le tenancier de l’hôtel dépouille Robert Frobischer de son veston, en guise de contrepartie à son silence.
C’est durant sa troisième vie en tant qu’Isaac Sachs (1973) que sa conscience commence à s’éveiller. Il rencontre Luisa Rey (interprétée par Halle Berry), dont il tombe amoureux. Il accepte de l’aider dans son enquête, et sauve ainsi des milliers de vies.
Mais là où son évolution est la plus spectaculaire (et en même temps, la plus douloureuse), c’est lorsqu’il est Zachry (2321). Il est intéressant de noter qu’il s’agit de la dernière histoire d’un point de vue chronologique. Zachry, dont le prénom commence par un Z comme la dernière lettre de l’alphabet latin, en est-il à sa dernière vie, sa dernière chance ? Pourtant, il avait mal commencé en laissant mourir son beau-frère et son neveu, dominé par la peur et le désir de sauver sa peau. Toutefois, il éprouve un sentiment à la fois salvateur et destructeur : la culpabilité. Salvateur lorsqu’il apporte à la personne la force et le courage de réparer ses erreurs, destructeur par les émotions douloureuses qu’il produit.
Ce qui a poussé Zachry à prendre son courage à deux mains pour évoluer, c’est l’amour et le repentir. Zachry aime profondément sa nièce, Catkin. Lorsqu’elle tombe gravement malade, il est prêt à tout pour la sauver. Sûrement par amour, mais je pense qu’il y a aussi une part de refus désespéré de laisser partir sa nièce sans rien faire, lui qui s’est déjà rendu coupable de la mort de son neveu… Ce sont ces nobles sentiments qui l’ont poussé à faire appel à Meronym (Halle Berry), en dépit de sa fierté et de la méfiance qu’il éprouve envers cette étrangère qui en sait beaucoup plus que lui. Cet acte l’emmènera à faire face à ses vieux démons (personnifiés par Old Georgie, interprété par Hugo Weaving), jusqu’à ce qu’il réalise qu’il aime Meronym. Débarrassé de ses pensées et émotions négatives, il peut enfin s’abandonner à la confiance et au bonheur d’aimer et d’être aimé.

L’histoire de Zachry permet d’appréhender les épreuves comme des opportunités de faire des choix en conscience. Elle nous invite à choisir d’agir avec amour et en accord avec nos valeurs, et d’abandonner nos réactions reptiliennes de combat ou de fuite, provoquées par la peur : peur de manquer qui crée à la cupidité, peur d’être trahi qui génère de la méfiance, peur de mourir qui amène à l’égoïsme et à la survie au détriment de la solidarité.
Embrasser sa mission de vie
Intéressons-nous à présent aux personnages incarnés par Jim Sturgess, dont les deux principaux sont Adam Ewing (1849) et Hae-Joo Chang (2144), et par Doona Bae (Tilda Ewing en 1849 et Sonmi-451 en 2144).
Rappel des histoires :

Si Adam trouve le courage de s’émanciper d’un beau-père autoritaire et esclavagiste pour rejoindre les abolitionnistes, c’est grâce à l’épreuve de la maladie et de l’éloignement de l’être aimé. Et s’il a réussi à surmonter cette épreuve, c’est grâce à l’amour et à l’espoir de revoir sa femme : son objectif était si important pour lui, qu’il a trouvé la force de résister à la maladie. Adam a fini par se faire sauver in extremis par Autua, un esclave auto-affranchi, grâce à la loi de cause à effet comme je l’explique dans cet article. Adam aurait-il eu le courage de rejoindre les abolitionnistes s’il n’avait pas vécu cette épreuve, durant laquelle il a risqué sa vie ? Si la question reste ouverte, cet événement a permis à Adam de prendre conscience de ses valeurs, et ainsi de pouvoir faire ses propres choix.

Le même mécanisme s’applique à Sonmi-451, qui s’incarne en tant qu’humanoïde, esclave moderne de la firme Papa Song’s. Privée des droits fondamentaux réservés aux êtres humains, Sonmi-451 finit par découvrir les horreurs infligées à ses semblables. Elle en ressent une profonde révolte et une grande souffrance. Mais, loin de se laisser abattre, elle choisit de se battre pour une cause qu’elle estime plus importante que tout, même sa propre vie (voir mon précédent article). Pourtant, sans l’aide de son amour, Hae Joo Chang, Sonmi-451 n’aurait pas pu accomplir sa destinée. Il a été son plus grand soutien en lui apportant l’aide matérielle et émotionnelle nécessaire.
Un dernier exemple, dans l’autre sens cette fois : celui de Timothy Cavendish (2012). Timothy a passé une grande partie de sa vie dans le mensonge et la couardise. Ce n’est qu’en affrontant les conséquences de ses actes à travers une épreuve, celle de l’enfermement et de la maltraitance dans une maison de retraite, qu’il peut enfin passer à un niveau supérieur de conscience. Dès lors, il devient capable de rassembler le courage nécessaire pour reprendre contact avec Ursula, la femme qu’il n’a cessé d’aimer depuis son adolescence.

Sans évolution, aucun futur possible

Old Georgie, interprété par Hugo Weaving, est l’aboutissement d’une succession de vies sans conscience. C’est le triomphe de l’ego, de la recherche de domination et de l’absence d’amour et de compassion.
Rappel des histoires :
Hugo Weaving a d’abord incarné Haskell Moore (1849), le beau-père d’Adam Ewing, qui fait commerce de l’esclavage. Son deuxième rôle clé est celui de Nurse Noakes, l’infirmière sadique qui prend plaisir à maltraiter ses patients retraités. Au cours de ses vies, il n’a montré aucune once de bonté, d’amour ou de clémence. Il s’est peu à peu coupé de sa lumière, jusqu’à se transformer en ombre, en démon. Ses énergies sont devenues trop basses pour lui permettre de reprendre le cycle de réincarnations et cheminer vers l’éveil. N’ayant cessé de créer de la souffrance autour de lui, il finit par devenir lui-même souffrance. Par ses choix, il s’est condamné.
Je souhaite conclure cet article sur une citation d’Adam Ewing : « Qu’est-ce qu’un océan, sinon une multitude de gouttes ? ». Selon moi, l’un des objectifs de l’éveil individuel est que chacun de nous puisse, selon son niveau de conscience, contribuer à l’éveil de l’humanité. Cela passe par nos pensées, nos émotions, nos comportements… Sont-ils positifs ou négatifs, pour moi et les autres ? C’est, je crois, la seule question que nous devons nous poser pour bien vivre ce confinement, et ce qui viendra après.
Merci Florence, ce volet vient à point nommé dans cette période de réflexion , qui en ce qui me concerne, ravive d’autant plus les questions sur le sens de la vie. Cette analyse montre bien le rôle de l’Amour dans l’évolution des consciences, mais aussi du lâcher prise je trouve. Bravo pour tous ces concepts de vie que tu illustres grâce aux scènes de films. C’est très parlant.Continues!!
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